Représentation de Wadjet (Ouadjet), la Déesse Cobra, Protectrice de l'Égypte antique - AI generated
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Représentation de Wadjet (Ouadjet), la Déesse Cobra, Protectrice de l'Égypte antique - AI generated

Protectrice redoutable, déesse ancestrale, force vive du Delta : Ouadjet incarne l’essence même de la royauté égyptienne. Avant même que l’Égypte ne s’unifie, cette mystérieuse déesse cobra veillait déjà sur les terres fertiles de la Basse-Égypte, surgissant des papyrus pour protéger pharaons, nouveau-nés et récoltes. Associée à l’œil brûlant de Rê, au cobra crachant le feu et au serpent lové sur la couronne royale, elle traverse les millénaires comme symbole de vigilance et de fertilité.

I. Origines et culte d’Ouadjet

Ouadjet est l’une des plus anciennes divinités connues de l’Égypte antique, dont les racines remontent à la période prédynastique (vers 3500–3150 av. J.-C.). Originaire de Dep, l’un des deux quartiers de la cité de Buto, dans le sixième nome de Basse-Égypte, elle y était vénérée comme une déesse cobra liée à la fertilité du sol, à l’abondance des eaux et à la croissance végétale — d’où son nom, signifiant « la Verte » ou « celle de la couleur du papyrus ». Avant même l’unification de l’Égypte, Ouadjet régnait déjà comme protectrice souveraine de la Basse-Égypte, tout comme Nekhbet, la vautour blanche de Nekhen, l’était pour la Haute-Égypte.

Lorsque l’unification politique et religieuse du pays fut accomplie, les deux déesses furent symboliquement associées sous le titre de « Nebty », les « Deux Maîtresses » de la titulature royale. Ouadjet devint dès lors l’incarnation du pouvoir divin déployé au service de la monarchie, et sa présence sur la couronne rouge (Desheret) du pharaon témoignait de cette autorité sacrée sur le Nord. Elle protégeait non seulement le roi des dangers terrestres, mais elle incarnait aussi l’œil vengeur de Rê, prêt à éliminer toute menace contre l’ordre maâtique. C’est également en tant qu’uræus — le cobra dressé en feu sur le front du souverain — qu’elle joue son rôle le plus emblématique, à la fois gardienne, arme divine et manifestation solaire.

À ce titre, elle était appelée « Dame du Ciel », « Dame de la Flamme », et fut identifiée à d’autres puissantes entités féminines comme Bastet, Sekhmet, ou Mout, selon les époques et les traditions locales.

II. Sa représentation dans l’art égyptien

Elle est d’abord figurée sous forme de cobra dressé, emblème du pouvoir royal, ornant le front du pharaon en tant qu’uræus pour projeter un feu divin contre ses ennemis. Dans une autre forme classique, elle apparaît comme une femme coiffée de la couronne rouge de Basse-Égypte, souvent accompagnée de Nekhbet pour représenter l’union des Deux Terres.

À la Basse Époque, son iconographie se diversifie : elle est parfois représentée avec une tête de lionne, portant un disque solaire et l’uræus, fusionnant ses attributs avec ceux de déesses solaires guerrières comme Sekhmet, Bastet ou Mout. Certaines représentations plus rares la montrent sous des formes hybrides : serpent à tête de femme, ou femme à deux têtes de cobra. Elle peut également apparaître enroulée autour d’un papyrus, un motif archaïque symbolisant sa fonction nourricière et protectrice dans les zones humides du Delta. Enfin, dans les bronzes votifs de la XXVIe dynastie, on la retrouve aux côtés d’Horus enfant sur des trônes évoquant l’unification de l’Égypte et la régence divine.

III. Les légendes qui l’entourent

Les récits mythologiques autour de Ouadjet illustrent à la fois sa dimension féroce et protectrice, mais aussi sa nature nourricière et régénératrice. Elle est souvent intégrée au cycle solaire de Rê, où elle devient l’une des manifestations de l’Œil de Rê, la puissance féminine envoyée dans le monde pour châtier les hommes ou affronter les forces du chaos. Dans certaines variantes du mythe de « la Déesse lointaine », elle est la version cobra de cette énergie indomptée, qui s’éloigne du soleil pour punir l’humanité, mais que Rê doit rappeler afin de rétablir l’équilibre cosmique.

Ouadjet joue également un rôle clé dans les récits de l’enfance d’Horus. Après l’assassinat d’Osiris par Seth, Isis s’enfuit dans les marais du Delta pour protéger son fils nouveau-né. C’est dans cet environnement brumeux et aquatique, lieu d’origine de Ouadjet, que celle-ci veille sur Horus enfant, le cache et le défend contre les assauts du dieu usurpateur. Ce rôle l’a rapprochée du symbole de l’œil d’Horus (Oudjat), emblème de guérison, d’intégrité retrouvée et de protection magique. Plus tard, ses fonctions guerrières seront renforcées par des fusions avec d’autres déesses comme Bastet (lionne), ou Sekhmet.

Les traditions autour des unions divines de Ouadjet sont moins nombreuses que celles de grandes déesses comme Isis ou Hathor, mais certaines sources tardives mentionnent des liens conjugaux avec Hâpy-Meht, l’une des divinités du Nil. Cette association symbolique entre la déesse cobra de la Basse-Égypte et un dieu lié aux crues du fleuve souligne une union cosmique entre la fertilité du sol (Ouadjet) et les eaux nourricières (Hâpy). Ensemble, ils incarnent l’équilibre nécessaire à la prospérité agricole et sociale. Dans certaines fusions tardives, elle est également associée à Mandoulis, divinité nubienne solaire, en particulier dans le temple de Kalabsha en Nubie.

Son sanctuaire principal se trouvait à Per-Ouadjet, dans la ville de Bouto, dans le nord du Delta. Ce temple possédait un oracle renommé qui délivrait des messages prophétiques à travers les rêves — signe de l’importance spirituelle et politique de la déesse. Une grande fête annuelle en son honneur se tenait le 7e jour du mois de Payni (dans la saison de Shemou), ponctuée de chants, danses et offrandes. D’autres dates importantes dans le calendrier liturgique étaient le 21 juin (solstice d’été) et le 14 mars, associés à des manifestations astrales ou rituelles.