Représentation d'Arianrhod - mythologie celtique - AI generated
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Dans le firmament de la mythologie celtique galloise, peu de figures sont aussi énigmatiques qu’Arianrhod, la « Roue d’Argent ». Fille de la déesse Dôn, sœur du puissant magicien Gwydion et mère involontaire de Lleu Llaw Gyffes, elle incarne la déesse des cycles lunaires, gardienne du temps et tisseuse des destins. À travers les récits des Mabinogion, son histoire s’entrelace aux fils du sacré, du tabou et de la magie. Qui est vraiment Arianrhod ?

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I. Origines et signification du nom

Fille de Dôn et sœur du magicien Gwydion, elle appartient à une lignée divine puissante où chaque membre incarne une force primordiale du monde. À ses côtés figurent ses frères Amaethon (dieu de l’agriculture), Gofannon (le forgeron), Hyveidd et Gilfaethwy. Arianrhod est notamment mentionnée dans le conte Math fab Mathonwy, quatrième branche des Mabinogion, où elle joue un rôle clé dans l’étrange rituel de succession du roi Math. Celui-ci ne peut rester en vie qu’à condition de reposer ses pieds sur les genoux d’une vierge — un symbole ancien du lien sacré entre la royauté, la terre et la pureté féminine.

Lorsque la première « porte-pieds », Goewin, est violée, Arianrhod est proposée comme remplaçante. Mais lors de l’épreuve destinée à vérifier sa virginité — un saut au-dessus de la baguette magique de Math — elle enfante subitement de deux garçons : Dylan Eil Ton, qui plonge aussitôt dans la mer, et un second enfant, tombé à terre sans qu’elle s’en aperçoive, et qui sera élevé en secret par Gwydion. Ce double accouchement spontané, déclenché par un simple rituel magique, confère à Arianrhod une aura lunaire.

II. Rôle dans la mythologie galloise

Refusant d’assumer le rôle de mère, elle rejette l’enfant qu’elle a involontairement mis au monde. Mais son frère Gwydion, magicien rusé et protecteur de l’enfant, défie ses interdictions. Ce récit suit alors un motif tripartite classique dans la mythologie celtique : les geasa, ou malédictions initiatiques. Arianrhod en jette trois sur son fils : il ne portera de nom que si elle le lui donne, ne portera d’arme que si elle les lui remet, et ne pourra jamais épouser de femme humaine. Ces interdits, loin d’être de simples punitions, deviennent des jalons initiatiques, des portes fermées que l’enfant doit franchir pour accomplir son destin.

Gwydion, par trois fois, retourne les sorts contre leur autrice. En déguisant le garçon en artisan, il le pousse à accomplir un acte d’adresse (abattre un oiseau d’un jet de pierre) qui force Arianrhod à s’exclamer : « Voilà un garçon à la main sûre ! », brisant ainsi la première malédiction et donnant son nom au héros : Lleu Llaw Gyffes. Ensuite, par une illusion de guerre, il amène la déesse à lui remettre des armes pour se défendre, annulant le second sort. Enfin, avec l’aide du roi Math, Gwydion crée à partir de fleurs une femme magique, Blodeuwedd, qui n’est pas humaine — contournant ainsi le troisième tabou.

III. Ses amours et sa descendance

Contrairement à d’autres figures féminines du panthéon celtique, sa maternité n’est ni choisie ni célébrée : elle est révélée au grand jour par un rituel magique censé attester sa virginité. En sautant au-dessus de la baguette du roi Math, elle donne naissance de manière involontaire à deux fils. Le premier, Dylan Eil Ton (littéralement « fils de la vague »), est une entité aquatique qui se jette dans l’océan dès sa naissance, rejoignant symboliquement le monde d’où il vient — celui des forces primordiales, des marées, du chaos marin. Son destin s’achèvera dans la mer, puisqu’il est tué involontairement par son oncle Gofannon.

Le second fils, sans nom et sans reconnaissance, est secrètement recueilli par son oncle Gwydion, qui défie les interdictions d’Arianrhod pour lui permettre d’accomplir son destin. Grâce à des ruses magiques et des jeux d’illusion, il obtient un nom (Lleu Llaw Gyffes, « à la main habile »), des armes, puis une épouse — Blodeuwedd, une femme créée de fleurs. Arianrhod ne choisit donc ni son rôle de mère, ni celui de marieuse ou de protectrice, ce qui constitue une transgression majeure dans la culture celtique, où la transmission du nom, des armes et de l’alliance passait souvent par la lignée maternelle.

Ce refus d’assumer son rôle engendre une structure mythique inversée : la maternité sans amour, la naissance sans reconnaissance, la lignée divine refusée mais subie.

Arianrhod continue d’exercer une fascination sur la culture contemporaine, elle est ainsi honorée dans l’œuvre féministe monumentale The Dinner Party de Judy Chicago, où elle figure parmi les 1 038 femmes marquant l’histoire du monde, aux côtés de divinités telles que Kali. Son influence se fait également sentir dans les courants néo-païens et wiccan modernes, où elle est associée à la Lune, aux marées, au destin, et à la Roue du Temps. Elle est parfois invoquée comme gardienne des cycles karmiques, protectrice des âmes en transition, ou encore tisseuse des liens invisibles de la destinée humaine. Des auteurs contemporains lui prêtent la capacité de guider à travers les périodes de transformation, de perte, ou de renaissance intérieure. Dans le domaine technologique, son nom a été donné à la version 1.0 du système d’exploitation libre Trisquel, symbole de pureté et d’indépendance, qualités souvent associées à son personnage mythique. Enfin, la littérature et la fantasy moderne, nourries des Mabinogion, continuent de s’inspirer de sa figure, qui incarne une puissance féminine non domestiquée, imprévisible.