Représentation du dieu nordique Skjöld - AI generated
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Dans les brumes des origines mythiques de la Scandinavie, là où les dieux se mêlent aux rois, émerge la figure de Skjöld (ou Skjöldr, Scyld, Skioldus), fondateur légendaire de la lignée des Skjöldungs. À la croisée du mythe et de l’histoire, cet enfant venu de la mer, porteur d’un épi de blé et de symboles guerriers, incarne l’idéal du souverain béni des dieux. Son récit, tissé dans les sagas islandaises, les chroniques danoises et les épopées anglo-saxonnes comme Beowulf, nous plonge dans un monde où royauté, divinité et destinée se confondent. Qui était donc ce roi né sans père apparent, couronné avant même de parler, et dont la mémoire flotte encore sur les vagues du nord ? Voici son histoire.

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I. La Naissance de Skjöld

Skjöld, dont le nom signifie « bouclier » en vieux norrois, était le fils du dieu Odin et de la géante Jörð. Cette ascendance divine lui conférait une force et un courage hors du commun, ainsi qu’un destin exceptionnel.
Dès son plus jeune âge, il manifesta des traits de caractère extraordinaires. On raconte qu’il était d’une taille impressionnante et doté d’une force herculéenne. Sa volonté indomptable et son habileté au combat se révélèrent rapidement, faisant de lui un enfant prodige destiné à devenir un grand guerrier.

Skjöld apparaît comme un roi mythique à l’origine de la dynastie royale danoise des Skjöldungs (ou Scyldings en vieil anglais). Selon les traditions nordiques et anglo-saxonnes, il est parfois présenté comme un fils d’Odin, tandis que dans d’autres versions (notamment le poème Beowulf), il est découvert enfant, endormi seul sur un bateau dérivant vers les côtes danoises, couché sur un épi de blé, entouré d’armes mais sans escorte. e motif du « roi venu de la mer » est central dans la tradition scyldingue. L’enfant, trouvé seul sur un navire sans rame ni pilote, est immédiatement reconnu par les Danois comme un signe des dieux. Il est emmené au palais, couronné sur la pierre sacrée, et devient le garant d’un nouvel ordre.

Dans la Gesta Danorum de Saxo Grammaticus, une autre légende décrit une rencontre de Skjöld adolescent avec un ours sauvage dans les bois. Grâce à une force surhumaine, il parvient à maîtriser l’animal en l’attachant avec sa propre ceinture jusqu’à l’arrivée des chasseurs. Il est aussi dit qu’à quinze ans, Skjöld triompha de géants, dont Skate, qui convoitait la princesse Alfhild.

Dans l’Edda de Snorri, Odin l’établit comme souverain de Reidgotaland, soulignant sa légitimité divine. L’élément du bouclier (skjöld en vieux norrois) est aussi central dans le symbolisme qui entoure son nom et sa fonction : Skjöld incarne la protection, le pouvoir martial et la stabilité d’un royaume. La tradition nordique accorde une fonction sacrée au bouclier — symbole de protection divine dans les batailles, mais aussi instrument de rituels.

II. L’Ascension au Pouvoir de Skjöld

Selon les récits, il fut élevé parmi les dieux à Asgard, la demeure des divinités nordiques, après sa naissance. Être élevé parmi les dieux était une expérience extraordinaire et lui donna accès à une éducation et à une formation particulières, ce qui renforça sa stature et son autorité.

Lorsqu’il atteint l’âge adulte, Skjöld retourna au Danemark, sa terre d’origine, pour régner en tant que roi. Son statut de fils d’Odin lui conférait une position privilégiée et un charisme qui inspiraient respect et obéissance. Sa bravoure et sa sagesse attirèrent l’attention des Danois, qui l’acclamèrent comme leur nouveau roi. Ainsi, Skjöld fonda la lignée royale des Skjöldungs, marquant le début d’une ère de prospérité et de grandeur pour le peuple danois. Les rois qui lui succédèrent, portant tous le nom de Skjöld (et compliquant la tâche des historiens pour savoir quel exploit relier à quel roi…), maintinrent le royaume des Danois dans une période de stabilité.

D’autres légendes mentionnent que les danois, qui vivaient alors une période de pauvreté, virent arriver sur les côtés un bateau sans équipage, ni rames. Dans ce dernier, se trouvait un petit garçon (Skjöld), dormant sur le pont, la tête sur un épi de maïs utilisé comme oreiller. Des armes étaient éparpillées autour de lui. L’enfant fut alors conduit au palais puis placé sur la pierre sacrée et proclamé roi.

III. Les Amours et Descendants de Skjöld

Skjöld est lié par le mariage à deux figures féminines selon les sources : Alfhild, une princesse saxonne, et Gefjon, une déesse ou géante mentionnée dans les sagas nordiques (découvrez le mythe de cette rencontre plus bas). Si ces deux unions varient selon les traditions, elles témoignent du prestige symbolique de Skjöld, que l’on unit tantôt à la noblesse humaine, tantôt aux puissances surnaturelles. Son fils le plus célèbre est Fridleif, parfois surnommé Gram, qui lui succèdera sur le trône et perpétuera la lignée des Skjöldungs.

Cette dynastie, mentionnée tant dans les sagas islandaises que dans les épopées anglo-saxonnes, notamment Beowulf, est à l’origine de figures légendaires telles que Halfdan, Hroðgar et Hrothulf, rois puissants et mécènes d’héros comme Beowulf lui-même. En ce sens, Skjöld est bien plus qu’un roi isolé : il est le père fondateur d’une lignée royale sacralisée, dont les membres s’imposent par leur bravoure, leur justice et leur faveur divine.

Gefjon était une déesse puissante et vénérée, mais elle désirait obtenir une parcelle de terre fertile pour les humains. Il n’y avait toutefois pas assez d’espace sur l’île de Sjaelland (aujourd’hui le Danemark) pour satisfaire ses besoins. Gefjon eut alors une idée astucieuse : elle se rendit chez le roi Skjöld, un homme vaillant et respecté, et lui demanda une faveur. Elle lui demanda de lui donner autant de terre qu’elle pourrait labourer en une seule nuit, promettant en échange de lui offrir un fils vaillant et prospère.

Le roi accepta le défi et lui donna la permission d’utiliser ses quatre bœufs les plus forts pour labourer la terre. Gefjon les attela à une charrue et, avec une force surnaturelle, elle laboura un grand morceau de terre de l’île de Sjaelland. La nuit passa, et au lever du soleil, Gefjon avait réussi à arracher un morceau de terre suffisamment grand pour former l’île de Sjaelland. Elle le sépara ensuite du reste de la terre, créant ainsi un grand lac qui devint plus tard connu sous le nom de Lögrinn (le lac Gefjon). Cet espace fertile devint le cœur du futur Danemark. En tant que roi, Skjöld avait tenu sa promesse, Gefjon lui offrit un fils, nommé Fridleif. Skjöld régna en tant que roi prospère du Danemark et sa dynastie, les Skjöldung, régna pendant plusieurs générations.

La figure de Skjöld continue de fasciner bien au-delà des frontières de la Scandinavie. Le poème Beowulf, l’une des plus anciennes épopées anglo-saxonnes, s’ouvre sur son règne et ses funérailles, soulignant son rôle fondateur dans l’imaginaire germanique. Son image d’enfant divin venu de la mer a influencé de nombreux récits ultérieurs, de la légende arthurienne à des figures modernes comme Superman ou Moïse, tous deux trouvés dans des conditions surnaturelles et appelés à un destin royal ou messianique. Le motif du bouclier divin, quant à lui, a été repris dans la culture geek, souvent comme artefact magique lié à la protection, à la légitimité ou au destin héroïque.