Imaginez un fleuve aux eaux sombres, séparant le monde des vivants de celui des morts, un lieu où un simple manquement peut emprisonner à jamais les rares mortels assez intrépides pour s’y aventurer. Découvrons aujourd’hui le Styx, rivière mythique de l’au-delà dans la mythologie grecque, et lieu de légende de nos héros antiques.
I. Styx, déesse …
L’amalgame est facile puisque la légende qui se cache derrière la déesse est peu élaborée. Beaucoup on tendance à associer cette dernière au fleuve des enfers. Ils vont jusqu’à en faire la personnification du fleuve, célèbre pour être un passage vers les Enfers
Les origines de Styx varient entre une version « Océanide » (dans laquelle elle serait la fille d’Océan et de Téthys) ou une version « déesse » (fille d’Érèbe et de Nyx). Dans la première, elle serait la plus vénérable des Océanides. Le Titan Pallas, tombé sous son charme, en fit la mère de Zélos (le Zèle), Niké (la Victoire), Kratos (la Puissance) et Bia (la Force). Certains textes lui rattache le monstre Scylla.
Dans la deuxième version, elle passe même pour la fille Perséphone et Zeus. Pourquoi une telle affiliation? Cela permettrait de soustraire Perséphone à Déméter et de son rôle sur l’agriculture pour se consacrer aux Enfers (dans la plupart des récits, Perséphone réside en enfer car elle demeure l’épouse de son oncle six mois dans l’année. Pendant ce temps, les terres privées de leur bienfaitrice se meurent, ce qui amène l’hiver).
Quoiqu’il en soit, durant la Titanomachie, Styx fut la première des immortelles à se ranger du côté de Zeus, suivant ainsi les conseils de son père. Ses enfants se joignirent également à cette cause. En récompense, Zeus leur permit de résider à l’Olympe pour l’éternité.
II. … ou fleuve des enfers?
Le Styx est également l’un des fleuves des Enfers, marquant la frontière entre le monde des vivants et celui des morts. Ce fleuve, associé à la haine, se joint au Phlégéthon (la rivière de flammes), à l’Achéron (le fleuve du chagrin), au Cocyte (le torrent des lamentations) et au Léthé (le ruisseau de l’oubli) pour former un vaste marais au cœur du monde souterrain… où vous pouvez imaginer sans peine qu’il est bon de s’y baigner 😉
III. Symbole des serments secrets
Pour son dévouement lors de la titanomachie, le nom de Styx devint sacré. Les dieux prêtaient leurs serments les plus solennels en invoquant son nom. Lorsqu’un dieu jurait par le Styx, Iris en prélevait de l’eau dans une coupe d’or. Si ce dernier se parjurait, il perdait son souffle pendant une année entière et était banni de l’Olympe pour une période de neuf ans.
L’eau de ce fleuve était considérée comme inviolable. Les dieux eux-mêmes ne pouvaient pas la souiller. Cette pureté était si exceptionnelle que le simple fait de toucher l’eau du Styx avait des conséquences dramatiques. Une légende raconte que la mère d’Achille, Thétis, l’a plongé dans les eaux du Styx pour le rendre invulnérable, à l’exception de son talon, la partie par laquelle elle le tenait. Cette vulnérabilité coûta la vie à Achille durant la guerre de Troie et a donné naissance à l’expression « talon d’Achille », qui illustre une faiblesse chez une personne.
Zeus, par exemple, promit à Sémélé de lui accorder ce qu’elle désirait, et bien que cela provoqua la mort de Sémélé, il ne put revenir sur sa parole.
Otos et Ephialtès, les Aloades, pour avoir juré par le Styx qu’ils enlèveraient Héra et Artémis, furent punis de manière exemplaire. Ils furent enchaînés à une colonne dans une plaine désolée, privée de soleil, battue par le vent, le froid et le brouillard. Une chouette hululait lugubrement au-dessus de leurs têtes, ajoutant à leur tourment. Leur châtiment était une conséquence directe de leur manquement à leur serment fait sur le Styx. Un oracle avait prédit qu’ils ne pouvaient être tués ni par un humain ni par un animal, ce qui les convainquit de leur invulnérabilité. Ce sentiment d’invincibilité les empêcha de concevoir qu’ils pourraient se tuer l’un l’autre.
Tantale, quant à lui, fut plongé dans les eaux du Styx pour expier ses fautes, subissant ainsi une punition à la hauteur de ses transgressions.
IV. Rôle de Charon
Il est souvent écrit que Charon était le passeur des morts. En échange d’une obole (pour Psyché), d’une pièce ou d’un objet de valeur, il transportait les âmes à travers le Styx (d’où le rite d’enterrer les morts avec une pièce d’or sur eux). Ceux qui ne pouvaient payer, souvent parce qu’ils n’avaient pas reçu les rites funéraires appropriés, étaient condamnés à errer sur les rives du fleuve pendant cent ans.
Certaines légendes rentrent un peu plus dans le détail. Phlégyas aidait les morts à traverser le Phlégéthon, quand Charon faisait traverser l’Achéron. Comme les autres fleuves infernaux, le Styx sert également à empêcher les âmes des morts de s’échapper des Enfers.
VII. L’impact du Styx sur la psyché humaine et la philosophie
Le Styx a également laissé son empreinte dans la philosophie et la psychologie. Son rôle symbolique en tant que frontière entre la vie et la mort a influencé la réflexion sur la condition humaine, la mortalité et la quête de sens. Les philosophes ont souvent exploré les thèmes du Styx pour mieux comprendre la nature de la vie et de la conscience.
Fleuve souillé où reposaient les âmes des brigands et traitres, le Styx a laissé son empreinte dans la philosophie et notre monde moderne. Le concept d’une rivière séparant les vivants des morts est présent dans de nombreuses cultures, et le Styx a ses équivalents dans d’autres mythologies, tels que le fleuve Achéron chez les Romains et la rivière Sanzu dans la mythologie japonaise.