L’univers mythologique de l’Égypte ancienne est un trésor inestimable de divinités aux pouvoirs uniques. Parmi ces dieux, Thot se distingue en tant que gardien de la sagesse, de l’écriture, et de la magie. Laissez-nous vous présenter ce personnage, en explorant les faits marquants de sa vie qui ont façonné son mythe.

I. Thot, le Gardien du Savoir
Thot, ou Djehouty en égyptien ancien, est l’une des figures les plus complexes et vénérées du panthéon égyptien. Son nom, signifiant probablement « Celui de Djehout », désigne aussi bien le dieu que la région d’où il est originaire. Dans les traditions les plus anciennes, il est considéré comme un dieu lunaire, incarnant la régulation du temps et des cycles célestes. Plusieurs récits mythologiques entourent sa naissance : certains le disent né du Verbe de Rê, d’autres racontent qu’il s’est engendré lui-même sous la forme d’un ibis qui aurait pondu l’œuf cosmique contenant la création. Une autre légende plus tardive affirme qu’il serait né de l’union accidentelle entre Horus et Seth, symbolisant ainsi la synthèse entre l’ordre et le chaos.
Souvent représenté comme un homme avec une tête d’ibis ou, parfois, un babouin, il incarne la quintessence de la sagesse dans la mythologie égyptienne. En tant que dieu de la sagesse, de la parole divine et de l’écriture, il devient le « scribe des dieux », mais aussi l’arbitre impartial des conflits célestes, le conseiller de Rê et le gardien de l’ordre cosmique (Maât). Il fut chargé par le Soleil lui-même d’administrer le monde en son absence : « Tu seras à ma place, mon substitut », dit Rê dans le Livre de la Vache du Ciel. Thot est donc à la fois créateur, juge, médiateur, mathématicien, magicien et astronome, détenant l’ensemble des savoirs divins et humains.
Au cœur de sa sagesse se trouve la création de l’écriture hiéroglyphique, un système complexe de symboles et de signes qui a façonné la communication et la préservation du savoir dans l’Égypte ancienne. Grâce à Thot, les anciens Égyptiens pouvaient coucher sur le papyrus leurs légendes, leurs lois, et leurs enseignements sacrés. Il était le protecteur des scribes et des érudits, veillant à ce que l’héritage culturel de l’Égypte soit préservé pour les générations futures.
II. Pourquoi ces représentations?
L’ibis est célèbre pour sa capacité à distinguer une eau potable d’une eau non potable. En conséquence, sa divinisation en fait une figure divine de la connaissance. Par extension, il est considéré comme le gardien du savoir et, par conséquent, le maître des écrits dans une société où l’écriture hiéroglyphique est réservée à une élite, contrairement à l’écriture démotique, plus répandue. Thot est ainsi représenté avec une forme hybride, ayant un corps humain avec une tête d’ibis.
En tant qu’inventeur de l’écriture et du langage, Thot est appelé la « langue d’Atoum » et le scribe des dieux. En tant qu’incarnation de l’intelligence et de la parole, il possède des formules magiques irrésistibles pour les dieux. Selon la légende, celui qui pouvait déchiffrer les formules magiques du Livre de Thot pouvait espérer surpasser même les dieux.
Le respect accordé à Thot découle de sa connaissance infinie. Il est censé détenir toutes les sciences et comprendre tous les domaines du savoir. En tant que gardien du savoir, il a inventé l’écriture. Les anciens Égyptiens croyaient que Thot avait délibérément laissé des livres et des écrits dans les temples pour transmettre la connaissance à l’humanité. Toutefois, sa conscience aiguë de son intelligence supérieure le rendait parfois ennuyeux, prétentieux et pompeux. Il avait un penchant pour les discours élaborés, les formules compliquées et un ton affecté, ce qui irritait souvent les autres dieux.
Thot excellait également en mathématiques, fixant les limites des nomes (régions administratives de l’Égypte) et du Double-Pays. Il concevait les plans des sanctuaires des dieux, car lui seul possédait cette compétence unique. Toutes les disciplines scientifiques étaient sous son influence et bénéficiaient de sa protection.
III. Son rôle au Tribunal d’Osiris
Il présidait également l’audition des morts au tribunal d’Osiris, où Anubis pesait et jugeait les défunts en comparant le poids de leur cœur à celui d’une plume, symbole de Maât et de la justice. Cette évaluation déterminait si le défunt était condamné (et son Ka dévoré par Ammout, « la Grande dévoreuse ») ou s’il était jugé digne d’accéder aux Champs d’Ialou, un paradis éternel où règne l’ordre divin.
Un passage du Livre de la vache du ciel explique que Thot a été choisi par Rê comme vizir lors du départ de ce dernier du monde des hommes. Thot est ainsi le scribe divin possédant des compétences similaires à celles du scribe de l’administration pharaonique.
Enfin, lors du combat entre Horus et Seth, Horus perdit son œil, mais Thot l’aida à le retrouver. Cet œil, appelé « Oudjat », symbolise la victoire de l’ordre (représenté par Horus, l’héritier légitime d’Osiris) sur le chaos (Seth, qui perturbe l’ordre dynastique et, par conséquent, l’ordre du monde). Porté sous forme d’amulette, l’Oudjat était censé protéger contre le mauvais œil et était souvent placé sur la proue des navires pour éloigner les dangereux hippopotames.
IV. Les légendes qui l’entourent
Thot est au cœur de nombreuses légendes où sa sagesse et sa magie permettent de rétablir l’harmonie. Dans le célèbre mythe du combat entre Horus et Seth, il intervient pour guérir Horus et reconstituer son œil arraché, l’« Oudjat », devenu symbole de victoire de l’ordre sur le chaos.
Lors d’un conflit entre Rê et la déesse lointaine (souvent assimilée à Tefnout ou Sekhmet), Thot est envoyé pour la ramener d’un désert lointain. Déguisé en babouin, il use de diplomatie, d’humilité et de persévérance, allant jusqu’à supplier la déesse 1077 fois, pour qu’elle revienne en Égypte, restaurant ainsi l’équilibre cosmique et le cours du Nil.
Dans un autre récit essentiel, Thot joue un rôle fondamental dans la naissance des grands dieux : Rê ayant interdit à Nout d’accoucher un jour de l’année, Thot défie la Lune dans un jeu et gagne cinq jours supplémentaires, dits « épagomènes », pendant lesquels naîtront Osiris, Isis, Seth, Nephtys et Horus l’Ancien. Ces actes soulignent non seulement la ruse du dieu, mais aussi son rôle d’intercesseur entre les lois divines et la nécessité du renouvellement cosmique. Il est aussi celui qui, dans le Livre des morts, note le verdict de la pesée du cœur et enregistre les destins éternels des défunts.
V. Descendance Divine de Thot
Dans la mythologie égyptienne, Thot était associé à plusieurs déesses et avait des liens avec diverses divinités, mais il n’est pas principalement connu pour ses amours et sa descendance comme certaines autres figures mythologiques (notamment Osiris). Toutefois, il existe quelques références à des unions et à une descendance dans certaines versions de la mythologie. Voici quelques-unes de ces associations :
- Maât était la déesse de l’ordre, de la justice et de la vérité. Thot était parfois considéré comme le mari de Maât, symbolisant ainsi l’union de la sagesse et de la justice. Cette relation n’est pas aussi centrale que d’autres unions divines dans la mythologie égyptienne (Osiris et Isis, par exemple).
- Seshat était la déesse de l’écriture, de la mesure et de l’architecture. Thot et Seshat étaient souvent associés en tant que dieux de l’écriture et de la connaissance. Dans certaines versions de la mythologie, Seshat est décrite comme la fille de Thot.
- Dans quelques textes funéraires, Thot est mentionné comme le père de Nehemtawy, une déesse mineure de la douleur et de la lamentation. Cependant, ces références sont rares et peu détaillées.
Le culte de Thot s’est d’abord développé à Hermopolis (Khmunu), où il était considéré comme le dieu protecteur de la ville. Il fut honoré dans tout le pays, aussi bien par la cour que par les scribes, les médecins, les astronomes et les magiciens. Le 19e jour du mois de Thot marquait sa grande fête, durant laquelle on échangeait des douceurs et prononçait la formule « Douce est la Vérité ». Ses temples étaient des centres de savoir et de divination. Les fidèles lui dédiaient des amulettes en forme d’ibis ou de babouin, et des milliers de ces animaux furent momifiés en son honneur à Saqqarah et Tounah el-Gebel. Les prêtres de Thot, parmi les plus érudits, assuraient le lien entre la divinité et les hommes par des oracles, des rituels de protection et des actes de justice. Thot reste l’une des divinités les plus durablement vénérées d’Égypte, son culte ayant perduré jusqu’à la période ptolémaïque et au-delà, dans l’hermétisme gréco-romain.