
Sérapis est une figure emblématique du syncrétisme religieux entre les cultures grecque et égyptienne. Créé pour harmoniser les croyances des deux civilisations, son culte s’est rapidement répandu dans tout le bassin méditerranéen. Découvrez ses origines, son rôle dans le panthéon égyptien et son culte.
I. Origines de Sérapis
Sérapis, ou Sarapis, est une divinité gréco-égyptienne créée à l’époque ptolémaïque dans un objectif politique clair : unifier les populations grecques et égyptiennes sous une même figure religieuse. Ce dieu syncrétique naît sous l’impulsion de Ptolémée Ier Sôter (305-282 av. J.-C.), qui, selon la légende rapportée par Plutarque, aurait rêvé d’un dieu lui demandant de transporter sa statue depuis Sinope jusqu’à Alexandrie.
Le roi fit alors venir cette effigie, identifiée par des prêtres grecs et égyptiens comme une représentation de Pluton (Hadès), qu’ils assimilèrent à Osiris-Apis, d’où le nom « Sérapis », contraction d’Osiris et Apis. Sérapis hérite des fonctions de plusieurs dieux : il est seigneur de l’au-delà comme Hadès, divinité de renaissance comme Osiris, incarnation royale comme Apis, guérisseur comme Asclépios, et protecteur de l’ordre cosmique comme Zeus. Il devient ainsi un dieu universel, garant de la vie, de la mort, de la fertilité, de la médecine et du salut.
II. Sa représentation dans l’art égyptien
L’iconographie de Sérapis adopte pleinement les codes gréco-romains. Contrairement aux dieux égyptiens traditionnels à tête animale, il est entièrement anthropomorphe, représenté comme un homme majestueux aux longs cheveux bouclés et à la barbe fournie, dans le style de Zeus.
Il porte souvent le modius (calathos) sur la tête, un récipient cylindrique symbolisant à la fois la mesure du blé et la fertilité, mais aussi la souveraineté sur l’au-delà. Il peut être figuré trônant, accompagné de Cerbère, le chien à trois têtes des Enfers, ou parfois doté de cornes de bélier. Certaines représentations en font un serpent barbu, lorsqu’il est assimilé à une forme divine chtonienne, aux côtés d’Isis également figurée sous forme serpentine. Cette fusion stylistique fait de lui un dieu accessible aux Grecs comme aux Égyptiens, tout en soulignant son pouvoir cosmique et son caractère transculturel.
III. Légendes et Querelles Associées
Les mythes entourant Sérapis ne sont pas aussi abondants que ceux des divinités traditionnelles égyptiennes, mais plusieurs récits symboliques participent à sa construction. Le plus célèbre est celui de la statue transportée depuis Sinope, censée avoir été volée ou miraculeusement embarquée d’elle-même pour être placée au cœur du Serapeum d’Alexandrie. Cette histoire, relayée par Plutarque et Tacite, confère au dieu une légitimité divine et une volonté propre de s’unir aux peuples d’Égypte.
Par ailleurs, certains textes prétendent qu’Alexandre le Grand l’invoqua sur son lit de mort, ce qui contribue à forger une aura mystique autour de Sérapis. Enfin, l’historien Firmicus Maternus, dans une tentative de christianisation, affirma que Sérapis signifiait « fils de Sarah », pour l’inscrire dans une lignée abrahamique, bien que cette étymologie soit purement interprétative. Ces légendes ont contribué à asseoir le dieu comme figure universelle et providentielle.
IV. Ses amours et sa descendance
Sérapis est étroitement lié à Isis, avec laquelle il forme un couple divin puissant, prolongeant le lien initial entre Osiris et Isis. Leur union se manifeste aussi à travers la triade alexandrine composée de Sérapis, Isis et Harpocrate (forme hellénisée d’Horus enfant). Ce trio incarne la renaissance, la guérison et la sagesse divine, reflétant la volonté des Ptolémées d’unir les croyances égyptiennes et grecques sous des figures familières.
Il n’est cependant pas fait mention d’une descendance propre à Sérapis dans les mythes, son rôle étant davantage celui d’un père spirituel universel, garant de la fertilité collective et de la régénération cosmique. Sa relation avec Isis, qui était déjà la déesse la plus vénérée de l’époque, a fortement contribué à sa popularité dans le bassin méditerranéen.
Le culte de Sérapis prend racine à Alexandrie, dans le majestueux Serapeum érigé par Ptolémée Ier, inspiré du sanctuaire de Memphis. Ce temple devient un centre religieux, politique et culturel majeur, où le dieu est vénéré comme guérisseur, protecteur, révélateur d’oracles, et guide des âmes dans l’au-delà. Si son culte reste d’abord localisé à Alexandrie et Memphis, il gagne rapidement la Grèce, l’Asie Mineure puis l’ensemble de l’Empire romain, en particulier grâce à sa fusion avec le culte d’Isis.
Sérapis est vénéré jusque sous Vespasien, qui le proclame son dieu protecteur. Son image est diffusée sur les monnaies, dans les temples, et jusque dans les pratiques oraculaires. Toutefois, à partir des décrets de Théodose Ier (389-391), le christianisme d’État interdit les cultes païens, et le Serapeum d’Alexandrie est détruit en 391, marquant la fin officielle de son culte. Mais son influence religieuse et symbolique perdure bien au-delà de sa disparition physique.