Qui était Conchobar mac Nessa ? Ce nom, empreint de mystère et de puissance, évoque l’un des plus grands souverains de la mythologie celtique irlandaise. Roi d’Ulster, chef de guerre redoutable et personnage central du Cycle d’Ulster, il incarne les idéaux de son peuple : bravoure, honneur et tragédie. Découvrez aujourd’hui la vie de cet illustre roi, entre mythes et réalités anciennes.

I. Origines et accession au trône
Conchobar mac Nessa, dont le nom signifie « Fils de Ness », ou encore « Avidité du loup », naît dans un contexte mythique empreint d’ambiguïtés. Sa mère, Ness, d’abord figure douce, devient par la suite une guerrière redoutée. Elle est liée à plusieurs figures masculines selon les versions : tantôt au druide Cathbad, qui la viole et devient ainsi le père de Conchobar, tantôt au roi Fachtna Fáthach, voire à une origine surnaturelle, à travers une étrange boisson contenant deux vers, que Ness aurait ingérée, concevant ainsi un enfant tenant un ver dans chaque main à sa naissance.
Le jeune Conchobar est élevé dans un climat de rivalités politiques et de ruses : sa mère épouse le roi Fergus Mac Roich et obtient de lui qu’il lui cède le trône pour un an, au bénéfice de son fils. Or, Conchobar exerce un pouvoir si juste et équilibré que les Ulates refusent de restituer la couronne à Fergus. Il devient ainsi roi d’Ulster dès l’âge de sept ans, imposant un règne sacré et ritualisé depuis Emain Macha, sa capitale. Il incarne alors l’idéal royal celtique : celui d’un monarque distributeur de richesses, garant de la prospérité et de la paix, tout en incarnant des fonctions rituelles spécifiques, comme l’obligation d’héberger les guerriers ou de céder une part de son royaume à ses champions.
II. Les mythes qui sont associés à ce personnage
Dans l’épisode de Deirdre, il élève une orpheline d’une beauté prophétique destinée à devenir sa reine. Mais lorsque Deirdre tombe amoureuse du jeune guerrier Noíse, Conchobar la fait capturer par la ruse et fait exécuter son amant, brisant les serments de Fergus Mac Roich et déclenchant une guerre fratricide. Cet acte trahit une facette cynique du roi, capable d’humilier et de manipuler au nom du pouvoir (loin de l’image du souverain juste qu’il avait, enfant.).
Dans une autre légende, il cherche à séduire Luaine, mais celle-ci meurt de honte à cause d’un glam dicinn (satire mortelle) prononcé par des poètes qui la convoitaient. La vengeance de Conchobar est implacable : il rase le domaine des poètes et massacre leur lignée.
Plus symbolique, l’épisode de l’Ivresse des Ulates révèle le poids du roi dans les rites de Samain : invité simultanément par deux guerriers, il tente de contenter les deux, mais cette double fidélité provoque une nuit d’excès où collines, forêts et rivières sont détruites par des convives enivrés.
III. Ses amours et sa descendance
Conchobar est un souverain dont la vie amoureuse se confond avec ses ambitions politiques. Il épouse successivement les quatre filles de son frère Eochaid Feidlech : Mugain, Ethne, Clothru et Medb, scellant ainsi des alliances à travers le sang et le mariage. Toutefois, ses passions conduisent souvent au drame.
Il conçoit Cú Chulainn avec sa propre sœur, Deichtire, cocher personnel du roi (aka Conchobar). La naissance de l’enfant, sous influence divine (Lugh ou Conchobar selon les récits), reflète l’hybridité entre sang royal et puissance surnaturelle.
D’autres histoires racontent que Deichtire épouse Sualtam, mais que le véritable père de l’enfant reste incertain. Conchobar a aussi plusieurs enfants issus de diverses unions : Cormac Cond Longas, exilé au Connacht et tué pour avoir rompu un geis sacré ; Cúscraid Mend Macha, qui succède à son père ; Furbaide Ferbend et Fedelm Noíchrothach.
La relation la plus tragique reste celle avec Deirdre, promise au roi mais éprise d’un autre. L’assassinat de Noise, orchestré par Conchobar, scelle le destin de la jeune femme, qui se donne la mort, et pousse de nombreux seigneurs à se retourner contre leur souverain.
IV. La mort tragique de Conchobar
La fin de Conchobar est à la hauteur du mythe. Lors d’une escarmouche contre le Connacht, Conchobar est frappé d’une blessure mortelle causée par une balle de fronde faite de la cervelle pétrifiée de Mesgegra, roi de Leinster. Le druide Fingen le sauve en laissant la balle dans son crâne, rapiécé par des fils d’or. Le roi vit alors sept années sous des interdits (colère, luxure, cavalcade…). Il vécut ainsi, jusqu’au jour où il apprit la crucifixion du Christ. Pris d’une fureur incontrôlable, il entra dans une rage telle que sa blessure se rouvrit. Il mourut dans une scène de rupture cosmique (mais peu glamour) : la cervelle de son ennemi éclate en lui, scellant son destin.
Conchobar mac Nessa est à la fois héros sacré et roi politique, garant de l’ordre et instrument du désordre. Son image inspire encore les créateurs contemporains, notamment dans les récits modernes sur la royauté tragique, les relectures féminines des mythes (comme dans les œuvres autour de Deirdre) ou les adaptations celtiques en littérature fantasy.