Les légendes celtiques regorgent de personnages héroïques, mais peu sont aussi intrigants que Caradoc. Ce chevalier fait partie des récits arthurien et celtique, gravitant autour des histoires mythiques de la Table Ronde. Mais qui était vraiment ce chevalier? Et dans quelles mesures se distingue-t-il dans les légendes arthuriennes ?
I. Caradoc : ses origines et sa présence autour de la Table Ronde
Caradoc, aussi connu sous le nom de Caradog, est une figure légendaire qui tire ses racines des récits celtiques gallois. Ce personnage est fréquemment mentionné dans les récits arthuriens, notamment dans les textes du « Mabinogion », un recueil de contes gallois médiévaux. Mais son histoire ne se limite pas à l’univers arthurien. Il est aussi lié à des événements historiques réels, notamment à travers des récits concernant Caratacos, un chef brittonique qui résista à l’envahisseur romain au premier siècle de notre ère.
Caradoc Freichfras, surnommé « bras fort », est une figure légendaire qui occupe une place importante dans la mythologie arthurienne et galloise. Il apparaît comme un chevalier de la Table Ronde, bien qu’il ait d’abord été roi de Vannes avant d’entrer dans le cercle des fidèles du roi Arthur. Il est le fils d’Ysave, la nièce d’Arthur, et de l’enchanteur Eliavrès, bien qu’il soit élevé par son père nourricier, le roi de Vannes (Caradoc l’Ancien), ignorant son véritable lien de parenté avec Eliavrès. Sa naissance est entourée de mystère et de trahison, car Eliavrès, par des ruses magiques, a réussi à prendre la place de Caradoc L’Ancien pendant la nuit de noces. Pendant ce temps, il avait jeté un sort à ce dernier pour confondre sa jeune épouse avec des animaux de ferme.
Caradoc Le Jeune part très tôt pour la cour du roi Arthur afin d’y devenir chevalier. Il s’illustre d’abord lors de l’épreuve de la décapitation, un défi proposé par son véritable père, Eliavrès. Ce test, qui rappelle la légende celtique d’Uath ou le récit de Gauvain et le Chevalier Vert, consiste pour un chevalier à couper la tête du magicien, avec la promesse que ce dernier rendra le coup si nécessaire. Notre héros, sans hésitation, tranche la tête d’Eliavrès, mais à la stupéfaction générale, ce dernier remet sa tête en place, prouvant ainsi ses pouvoirs. Fidèle à son engagement, Caradoc offre son propre cou pour subir le coup d’épée, mais Eliavrès, au lieu de porter le coup, révèle à Caradoc qu’il est en réalité son père biologique. Choqué par cette révélation, Caradoc quitte la cour pour s’engager dans une série de quêtes chevaleresques, avec un besoin de prouver sa valeur et de se réconcilier avec cette vérité dérangeante.
II. Les amours et la descendance de Caradoc
Au cours de ses voyages, il rencontre Cador, un seigneur qui devient son plus proche ami, ainsi que la sœur de Cador, Guinier. Guinier joue un rôle central dans la vie de notre chevalier, notamment lorsqu’il est victime d’un sort cruel lancé par sa propre mère, Ysave. Par vengeance, cette dernière libère un serpent qui s’enroule autour du bras de Caradoc, menaçant de lui ôter la vie. C’est Guinier qui, dans un geste d’amour et de dévouement, se sacrifie pour sauver Caradoc. Pour cela, elle entre dans une cuve de lait, tandis que Caradoc est plongé dans une cuve de vinaigre. L’odeur du vinaigre repousse le serpent qui, attiré par la douceur du lait, se dirige vers Guinier. Caradoc en profite pour trancher la tête du serpent, mais dans l’action, il coupe aussi le mamelon de Guinier.
Cet épisode marque un tournant dans leur relation. Guinier, malgré sa blessure, guérit rapidement, et les deux jeunes gens se marient peu de temps après. Mais le bras de Caradoc reste affecté par l’attaque du serpent, se raccourcissant, ce qui lui vaut son autre surnom, Caradoc « Briefbras » (bras court). Le couple reste uni et fidèle tout au long de leur vie.
Un autre épisode célèbre souligne cette fidélité : lors d’un séjour à la cour du roi Arthur, Caradoc participe à l’épreuve de la corne de chasteté, un test conçu pour évaluer la loyauté des épouses. Seul Caradoc réussit à boire à la corne sans renverser une goutte, prouvant ainsi la fidélité exemplaire de Guinier. Pour éviter la jalousie et les conflits à la cour, il préfère ensuite envoyer Guinier à Vannes, loin des intrigues de Camelot.
III. Les légendes arthuriennes auxquelles il est lié
Caradoc est un personnage central dans plusieurs récits arthuriennes, notamment dans La Vie de Caradoc, incluse dans la continuation de Perceval ou le Conte du Graal de Chrétien de Troyes. Il est aussi mentionné dans les Triades galloises, où il est décrit comme l’un des trois chevaliers émérites de l’île de Bretagne. Son cheval, Luagor, « fendeur d’hôte », est lui-même un symbole de puissance et d’agilité.
Après avoir découvert la vérité sur ses origines, Caradoc entreprend une série de quêtes et d’aventures chevaleresques pour prouver sa valeur en tant que chevalier de la Table Ronde. Au cours de ces aventures, il rencontre Cador (frère de son épouse, pour rappel), un seigneur avec qui il noue une amitié profonde et fidèle. Leur lien devient l’un des plus solides partenariats dans les récits arthuriennes. Cette amitié est renforcée par le fait que Cador se tient toujours aux côtés de Caradoc lors de moments cruciaux, notamment dans le célèbre épisode du serpent.
Bien qu’il soit blessé dans l’attaque du serpent, il continue de participer à des batailles aux côtés de ses frères d’armes. Un autre récit marquant de sa vie concerne sa vengeance contre Eliavrès. Après avoir découvert que ce dernier est son véritable père biologique, et non le roi de Vannes, Caradoc et son père nourricier mettent en place un plan de vengeance contre l’enchanteur. Ce dernier avait trompé Ysave, la mère de Caradoc, en prenant la place du roi de Vannes grâce à des sortilèges. Il avait également humilié Caradoc et son père nourricier en cachant la vérité sur sa véritable paternité.
Le châtiment infligé à Eliavrès est particulièrement cruel et symbolique, reflétant les mêmes humiliations qu’il avait fait subir à Ysave. En effet, pour se venger, Caradoc et le roi de Vannes forcent Eliavrès à coucher avec une levrette, une truie, puis une jument — des animaux qui rappellent les transformations magiques qu’il avait utilisées pour tromper le roi de Vannes lors de ses noces avec Ysave. De ces unions monstrueuses naissent trois créatures grotesques : un lévrier, un sanglier, et un poulain, représentant l’horreur et l’absurdité de ses actes.
Caradoc, bien qu’il ne soit pas aussi célèbre que d’autres chevaliers de la Table Ronde, a laissé une trace indélébile dans la littérature arthurienne. Sa légende, pleine de mysticisme et d’intrigues, a influencé plusieurs récits médiévaux, notamment ceux de Chrétien de Troyes. La figure de Caradoc représente la loyauté, la force morale, et l’épreuve de la vérité, des thèmes qui continuent de résonner dans la culture moderne. Il est aussi une source d’inspiration pour les récits modernes qui s’inspirent de la mythologie arthurienne, y compris des réinterprétations littéraires, cinématographiques et télévisuelles (aka Kaamelott), qui revisitent les récits des chevaliers de la Table Ronde.